Appel à contribution Les Others volume 13

Appel à contribution volume 13

Les others

Vignette les others volume 13

Contexte Les Others est un média indépendant pour les passionnés de nature et d’aventure. Une nouvelle génération d’écrivains, photographes et illustrateurs y propose leur vision de l’aventure outdoor.

Sujet – Pour son 13e numéro, Les Others a lancé un appel à contribution et invité les contributeurs à réfléchir aux concepts d’audio et de transmission sonore :

« Dans l’ombre de l’image pendant des décennies, l’audio vit aujourd’hui une seconde jeunesse. Des assistants virtuels aux podcasts, en passant par les réseaux sociaux 100 % vocaux, certains parlent même de révolution. Il n’en fallait pas plus pour nous donner envie d’y plonger la tête la première, d’inspecter chaque intersection entre les ondes sonores et le milieu de l’outdoor. »

Ce que j’ai fait – Rédaction

Année – 2021

Revue Les others volume 13

FACE A : DYSTOPIE

Il sera un jour le silence pour tout horizon. La nature sera calme, les forêts offertes au silence et les jours aussi paisibles que les nuits.

Lentement mais définitivement, les sons ont déserté les campagnes. A mesure que les hommes utilisaient la terre comme ressource de production, les animaux sont partis. A mesure que la Terre se réchauffait, les espèces ont disparu. La biodiversité s’est tue. Plus de pinçon qui siffle, plus d’abeilles qui bourdonnent, ni de grenouille qui coasse. Que des voitures qui vrombissent toujours plus vite, des usines qui beuglent et des radios qui hurlent les malheurs du monde. On baigne dans les bruits des activités humaines, des moteurs et des klaxons, de l’avion qui passe, du speaker qui annonce l’heure et du GPS qui dit de faire demi-tour.

On a oublié que les oiseaux chantent au printemps, que la mésange titine avant l’arrivée de la pluie et jusqu’au son du torrent qui coulaient il fût un temps.

L’eau s’est tarie, le son s’est envolé avec elle. On croit que la nature a toujours été ainsi, silencieuse. On croit que la nuit calme est signe d’air pur, et si appréciable quand les vies urbaines se déchainement, éreintent et sont une cacophonie. On loue des maisons dans les arbres. On s’allonge dans l’herbe, on met ses écouteurs et on écoute des sons ASMR pour se détendre. Et la nuit, c’est le silence sans hululement ni brame. Le silence réconforte. On oublie que la nature n’est pas plus silencieuse que le ciel de la nuit n’est noir. Le silence pour horizon.

Et puis parfois, la nature cri. Elle sort de son silence et se rappelle à l’homme. Les forêts crépitent de mille feux, hurlent dans la nuit et le ciel passe au rouge. On retourne à la ville se protéger des flammes de Mère Nature. On la croyait endormie et docile, et voilà qu’elle se réveille, en colère et imprévisible.

Tout bruisse, tout scintille, l’air frétille de fumée. Les hectares partent en fumée. Une autre année, une autre région, et c’est des masses d’eau qui s’abattent. On entend les arbres qui s’abattent à grand fracas, les berges de terres qui cèdent, les cailloux qui se décrochent et tombent à terre. Les flots inondent les villages.

Et puis tout redevient silencieux avant le prochain drame. On se calme, on retrouve un peu de sérénité et on continue son abonnement à la salle de sonothérapie. On essaye d’atteindre la pleine conscience au rythme des gongs et des bols tibétains. Et puis on demande à Alexa par reconnaissance vocale de réserver nos prochaines vacances, dans un parc à thème sonore pour une immersion dans la forêt amazonienne. En attendant, on va au zoo. Les bosquets recèlent de haut-parleurs pour imiter sauterelles, cigales et grillons. L’enfant entend le cri du coq. Et l’enfant songeur demande : est-ce que les arbres parlaient comme les animaux ?

FACE B : UTOPIE

Il sera un jour bruyant. Le sénat a voté. Les initiatives citoyennes ont essaimé, les cartes de prévention sonore ont pullulé, les scientifiques ont sensibilisé, les explorateurs ont alerté, les manifestants ont scandé : Paysages on veut vous entendre ! Ne muselez pas nos campagnes ! Pas de silence pour la nature !

On a écouté le son des fonds-marins en podcast, on a écouté le son du dernier avion, on a écouté les oiseaux, on a écouté les paysagistes, les audio-naturalistes, les éco-acousticiens, le pinson du Nord et l’alouette, de la colline voisine à la banquise.

Il sera donc des prés qui gazouillent, des torrents qui grondent, des marres qui clapotent, des jungles qui feulent, des ciels qui jacassent, des marais qui croassent, des bords de route qui bêlent, des campagnes qui roucoulent, des sous-bois qui bruissent, des adrets qui stridulent, des forêts qui chantent et des océans qui sifflent. Il sera des murmures dans les herbes folles, des crépitements quand la nuit vient, des vrombissements bio, des grondements naturels, des craquements dans les branches et des piaillements à la fenêtre.

C’est une richesse inouïe, c’est le retour de la symphonie du vivant.

La nature fait du bruit,
du matin au soir,
la nuit,
du Nord au Sud,
de l’Est à l’Ouest.

La nature vie.