De ville-coupe gorge à ville-destination… Depuis 2013, année où elle fût nommée capitale européenne de la culture, Marseille a le vent en poupe. L’image qu’elle renvoie au delà de ses frontières a évolué. C’est tout un imaginaire qui se reconstruit et qui fait vendre.
Avant 2013, Marseille n’avait pas la cote, et était plutôt stigmatisée et résumée à son accent et ses quartiers Nord, ses villes rivales de la Riviera lui volaient la vedette à coup de tapis rouges, d’hôtels classieux, de casinos et de yachts. Or aujourd’hui Marseille est devenue hype. Elle incarne le renouveau et a une certaine aura culturelle et créative tout en conservant un côté brut de décoffrage qui fait son charme.
Marseille s’affiche parmi les destinations weekend branchées à côté de Berlin et Naples, ses chef.fe.s offrent une nouvelle cuisine cosmopolite plébiscitée des foodies, les marques l’utilisent comme décor afin de donner authenticité et âpreté à leur image trop lisse, les produits dérivés au franc-parler marseillais fleurissent, … bref le marketing made in Marseille est bien là !
Petit tour en image ci-dessous.
On commence par la marque de pastis Ricard, toujours en quête de renouveler sa clientèle bien au-delà des terrasses provençales, et qui revendique pourtant ses origines marseillaises en 2020 pour la première fois depuis longtemps. Elle n’hésite pas à jouer le pagnolesque pour faire du pastis l’apanage d’une jeunesse branchée, urbaine et affirmée. Ce qui autrefois aurait été jugé trop folklorique et passéiste est précisément ce qui rend Ricard cool aujourd’hui. Et Marseille par la même occasion, en lui créant des représentants contemporains ! Le Monde abordait cette attractivité et le nouveau visage de la jeunesse marseillaise en juin 2021 : « Soleil, loyers modérés et liberté : Marseille attire la jeunesse créative et fauchée ».
Campagne d’affichage ci-dessus et spot TV de l’agence Romance ci-dessous :
Marseille et la Mode
La mer, un bout de roche, un scooter, une robe et un sac plastique au vent, un grillage, un cabanon de pêcheurs, un maillot de foot… La cité phocéenne est devenue un décor de choix capable d’apporter rêve et authenticité à la fois. Mieux qu’une plage de sable fin de la Côte d’Azur, la dureté des rochers et l’ambiance urbaine sont prêtent à ancrer les marques dans leur époque.
Simon Porte Jacquemus, styliste et petit chouchou de la mode parisienne, revendique son enfance en Provence et son amour de Marseille. Il en fait l’inspiration de ses collections, en a même fait un livre d’art « Marseille je t’aime » et le manifeste de sa marque va droit au but : « Je m’appelle Simon, j’aime le bleu et le blanc, les rayures, le soleil, les fruits, les ronds, la vie, la poésie, Marseille et les années 80. »
En 2017, il choisit le Mucem pour son défilé sur le thème des santons de Provence. En 2018, il choisit une seconde fois Marseille et la calanque de Sormiou pour présenter sa première collection « masculine » sous le titre « Le gadjo ».
Scénario semblable en 2018 avec la styliste strasbourgeoise Christelle Kocher qui fait défiler ses créations sur le ponton d’un ferry Corsica Linea amarré au port. Le défilé Koché s’appelle très explicitement « Le Sud bébé » et fait appel à un casting sauvage réalisé dans la ville.
Quand Uber Eats initie son partenariat avec l’OM, le photographe marseillais Olivier Amsellem décide également de mettre en avant des portraits d’authentiques supporters du club (voir le manifeste vidéo sur YouTube). Parce que Marseille sans les marseillais, c’est faire l’impasse sur un aspect culturel important, les marques l’ont bien compris et en jouent.
Marseille et son Monochrome bleu
Si Marseille était une couleur, sans aucun doute le bleu azur serait de mise. Référence au ciel baigné de soleil et régulièrement lavé par le mistral, ainsi qu’à la méditerranée, le bleu est ici incontournable.
Les grandes institutions l’utilisent à foison dans leur communication : l’Olympique de Marseille, la ville de Marseille, la Métropole Aix-Marseille-Provence quand il s’agit de réaménager le centre-ville (voir ici l’opération « Marseille Change » à laquelle j’ai participé), le département des Bouches-du-Rhône, les commerçants pour leur enseigne…
Guerre de partis, guerre de couleur ? Lors des élections municipales de 2020, la majorité des candidats dont le clan LR représenté par Martine Vassal souhaite s’inscrire dans la tradition et la continuité du maire sortant Jean-Claude Gaudin (LR) et arbore une affiche bleue. En face, le Printemps Marseillais, nouvelle coalition unissant partis de gauche et citoyens engagés, casse les codes aussi bien en politique qu’avec une palette de couleurs fluo et des associations de couleurs inédites mais dont le bleu est toujours absent. Une fois victoire acquise et au pouvoir, refonte de la communication mais l’affiche des vœux 2022 est bien bleue (voir ci-dessous) !
Ajoutez au bleu une touche de blanc, et l’éclat est parfait ! Ajoutez une touche de jaune et c’est l’explosion :
Marseille et ses Monuments emblématiques
Comme toute bonne marque qui se respecte, Marseille est reconnaissable à quelques signes graphiques.
La basilique Notre-Dame de la Garde, appelée la Bonne Mère par les marseillais, est un indémodable. Visible de loin, elle est l’élément qui dessine la skyline marseillaise et qui est repris dans beaucoup de visuels. Plus récente, la résille du Mucem, façon moucharabieh de l’architecte Rudy Ricciotti, est également une signature graphique très vite identifiable et de plus en plus largement utilisée.
Les Goudes, Malmousque, la Baie des Singes, les Catalans, le Vallon des Auffes, le vélodrome, Endoume, le Cercle des Nageurs… Quelques lieux sont si ancrés que leur nom seul est un mythe capable de donner de l’identité et de la valeur au moindre mug ou T-shirt floqué. De l’objet pour boutique souvenir à la création design, il y a en pour tous les porte-monnaie.
Affiches éditées par Collection Sunset, tirage en édition limitée.
Un langage et un art de vivre
Les marseillais ne craignent dégun c’est bien connu. Bande d’irréductibles avec un club de foot, un port, une lumière mais aussi un langage fort, intimement lié à un art de vivre. C’est Marseille bébé !
En 2020, LE BHV MARAIS met en lumière la cité phocéenne en s’associant à l’Office Métropolitain de Tourisme et des Congrès de Marseille pour un corner « Marseille en capitale ». Ci dessus la vidéo de lancement.
En parralèle, le compte Instagram @chroniques_de_mars relaie un tout autre art de vivre mais pas moins réaliste. Loin de l’épure, du raffinement et de la douceur de vivre, et plus proche d’une urgence à vivre, d’un art de la débrouille et du parler franc, on y trouve quelques pépites urbaines sous le leitmotiv « Ville de fadas, trucs de fous ».
Et le démarketing ?
En 2021, le Parc National des Calanques a été le premier parc naturel a adopter une stratégie de démarketing. En réponse à la surfréquentation observée et avant un déconfinement qui annonçait une ruée vers les espaces naturels, le parc a lancé une opération de démarketing. L’objectif ? Donner envie de ne pas venir !
Face au tourisme de masse peu compatible avec les objectifs de préservation de la faune et de la flore, le parc veut donc arrêter la diffusion d’images de criques paradisiaques à l’eau translucide mais plutôt sensibiliser sur l’autre réalité (baignade collés-serrés, serviettes contre serviettes, déchets sur la plage comme dans l’eau, etc.) et les mesures à adopter pour préserver ces sites naturels.
Stratégie ou pas, les marseillais ne sont pas en reste quand il s’agit de partager les photos des grèves des poubelles qui inondent l’espace urbain. En effet, pas peu fière de voir leur ville tant décriée enfin valorisée, c’est une autre histoire quand les prix de l’immobilier s’affolent ou que la circulation routière en période estivale devient difficile.